Avec pas moins de 318 véhicules volés chaque jour en France, soit 116.232 chaque année sur un parc de plus de 31 millions de véhicules, l’assureur automobile se trouve particulièrement exposé au risque.
Et ce, alors même que la garantie vol est facultative, puisque seule est obligatoire l’assurance de responsabilité civile pour les dommages aux tiers.
L’Agence pour la Lutte contre la Fraude à l’Assurance (ALFA) estime que la fraude représenterait chaque année près de 5 % des primes versées, soit 2,5 milliards euros en assurances de dommages.
On évalue ainsi à 30 000 le nombre de sinistres automobiles frauduleux chaque année, tandis qu’au moins un véhicule sur cinq volontairement incendiés est l’objet d’une fraude à l’assurance.
A cet égard, si l’on ne trouve nulle trace du terme « fraude » dans le Code des assurances, il y a pourtant fraude, selon L’ALFA, dès lors qu’un « acte volontaire permettant de tirer un profit illégitime d’un contrat d’assurance » est établi.
Et c’est le plus souvent au moment de la déclaration du sinistre par l’assuré que cette fraude intervient.
Face à cette réalité, les assureurs automobiles doivent mettre en œuvre des moyens efficaces pour lutter contre l’évolution de la fraude individuelle ou organisée.
C’est la raison pour laquelle ils insèrent systématiquement dans les contrats une clause de déchéance opposable à l’assuré, dont les conséquences sont pour le moins radicales.
Il importe de préciser que la déchéance de garantie ne concerne que les fausses déclarations postérieures au sinistre, et non pas les fausses déclarations des risques au moment de la souscription du contrat pour lesquelles c’est la nullité du contrat qui est encourue.
La déchéance doit également être distinguée d’une autre notion voisine, celle d’exclusion de garantie, qui vise d’office à exclure tout droit à indemnisation lorsque le sinistre survient dans des conditions particulières, par exemple la conduit d’un véhicule sous l’emprise d’alcool ou de produits stupéfiants.
La déchéance contractuelle intervient dans l’hypothèse d’une fausse déclaration intentionnelle sur les causes, sur les circonstances, sur les conséquences du sinistre ou sur l’étendue des dommages.
En pratique, les cas les plus fréquents concernent un sinistre fictif (véhicule déclaré volé alors qu’il a été dissimulé ou revendu à l’étranger), ou une évaluation manifestement exagérée et frauduleuse du préjudice (surévaluation du véhicule, de ses accessoires, ou de son contenu).
La déchéance peut également sanctionner la déclaration tardive du sinistre à son assureur, étant rappelé qu’un délai de deux jours ouvrés maximum s’applique en matière de vol.
Il convient donc d’être particulièrement vigilant en déclarant un sinistre, et certaines négligences pourraient être interprétées comme visant à exagérer son préjudice.
Ce peut être le cas lorsque l’assuré fournit à l’assureur, qui le lui demande à la suite d’un vol, le kilométrage de son véhicule au moment du sinistre.
En effet, qui se souvient précisément du kilométrage de son véhicule ?
Si le véhicule est retrouvé et que son kilométrage affiché au compteur est significativement supérieur à celui déclaré à l’assureur, ce dernier pourra considérer qu’on a tenté de le tromper sur la valeur vénale du véhicule et l’étendue des pertes, et appliquer la clause de déchéance de garantie dont les effets sont souvent implacables.
Elle permet, en effet, de priver l’assuré de tout indemnisation en cas de mensonge même marginal.
De surcroit, si les sanctions applicables en cas de fausse déclaration portant sur les risques à garantir par l’assureur sont connues et surtout prévues par la loi aux articles L 113-8 et L 113-9 du Code des assurances, le régime juridique de la déchéance en cas de fausse déclaration à l’occasion d’un sinistre est quant à lui purement contractuel.
Il convient donc d’être particulièrement vigilant quant à la teneur et à la rigueur du contrat, qui doit clairement mentionner la sanction conventionnelle.
La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que la déchéance doit être contractuellement mentionnée par les parties en prenant la forme d’une clause insérée dans les conditions générales, particulières, ou dans un document annexe.
De plus, cette clause doit être « rédigée de manière claire et non équivoque », afin d’être opposable à l’assuré.
L’article L. 112-4 du Code des assurances exige, quant à lui, qu’elle soit mentionnée en caractères très apparents.
L’attention de l’assuré doit spécialement être attirée par la sanction encourue, en l’occurrence la déchéance.
Enfin, il faut naturellement que le contrat soit lui-même opposable à l’assuré pour que la clause puisse jouer.
Si ceci peut sembler évident, il n’est pas rare qu’à l’occasion d’un sinistre, l’assuré conteste avoir reçu les documents contractuels, et notamment les conditions générales contenant la clause de déchéance que l’assureur lui oppose.
Il appartient alors à l’assureur de démontrer que les dispositions contractuelles invoquées sont opposables à l’assuré, en rapportant la preuve que le contrat lui a été remis avant la souscription du contrat ou au plus tard au moment de sa souscription.
Une telle preuve peut résulter de la signature par l’assuré d’un document, le plus souvent des conditions particulières, stipulant une clause de renvoi.
De la même manière, il appartient à l’assureur de démontrer la fraude alléguée, l’assuré étant présumé de bonne foi.
Le premier enjeu pour l’assureur consiste à identifier les sinistres douteux dans la masse des déclarations reçues quotidiennement.
Parmi les éléments suscitant la suspicion de l’assureur, on peut citer la souscription récente de la garantie vol dont l’assuré demande l’application, l’imprécision ou la contradiction des déclarations sur les circonstances du vol, la situation financière de l’assuré qui ne parvient plus à rembourser les échéances de son prêt auto, la qualité des documents présentés (factures non datées ou non numérotées, impossibilité de produire les originaux…), le nombre de sinistres déclarés par l’assuré, la souscription d’assurances multiples…
Ensuite, pour confirmer ses doutes, l’assureur va mettre en œuvre un panel de moyens d’investigations tels que le recueil de témoignages, l’interrogation des services de police, des réparateurs automobile, ou des contrôleurs techniques ayant eu à examiner le véhicule.
En la matière, l’expert automobile mandaté par l’assureur joue un rôle déterminant, tant dans la détection que dans la preuve de la fraude.
La plupart des experts reçoivent d’ailleurs aujourd’hui une formation spécifique pour déceler la fraude.
En pratique, c’est lorsque le véhicule est retrouvé que les difficultés peuvent réellement se poser pour l’assuré, puisque les données du véhicule sont comparées à ses déclarations et aux éléments recueillis par l’assureur.
A cet égard, les enquêtes diligentées en vue de prouver la fraude ne doivent pas porter atteinte de manière disproportionnée à la vie privée de l’assuré.
Afin d’éviter des dérapages, la Cour de cassation a été amenée à rappeler que « les mesures de détection et d’investigation ne doivent pas présenter un caractère disproportionné au regard du but poursuivi ».
L’assuré qui souhaite contester la décision de son assureur devra lui demander de justifier sa position par écrit, et envisager une médiation.
Mais si l’assureur maintient sa déchéance de garantie, l’assuré n’aura d’autre alternative que d’engager une action judiciaire pour faire constater le caractère abusif ou illégal de cette décision, en produisant tous les éléments objectifs susceptibles de corroborer ses déclarations relatives au sinistre.